woensdag 10 september 2008

Francophonie

Atlas mondial de la Francophonie (Ariane Poissonnier et Gérard Sournia)
Ariane Poissonnier et Gérard Sournia, Atlas mondial de la Francophonie : du culturel au politique, Autrement, 2006, 79 p.



La Francophonie est mal connue ; pire, elle est mal comprise et parfois stigmatisée. Pour les uns (du moins chez les intellectuels dans la lignée de Léopold Sédar Senghor chez qui germe cette idée lors du crépuscule de l’Empire colonial français), elle rassemble des peuples qui ont une langue, un idéal et des valeurs en partage. Pour les autres, la Francophonie n’est qu’une manière pour la France d’imposer son autorité (non plus politique mais culturelle cette fois) sur ses anciennes colonies et ne constitue donc pas moins qu’un nouvel avatar de la coopération. La dimension culturelle ne serait alors qu’un prétexte ainsi que la continuation de la politique coloniale sous d’autres moyens ; de la francophonie au néo-colonialisme il n’y a qu’un pas.

C’est dans ce contexte intellectuel qu’Ariane Poissonnier et Gérard Sournia entendent brosser un tableau dépassionné et fidèle de la Francophonie d’aujourd’hui. Pour eux, la Francophonie est avant tout un espace, celui de la défense de la diversité culturelle rendue possible par la promotion de la langue française qui constitue une sorte de ciment culturel. La carte de cet espace est d’abord celle de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), organisation multilatérale qui regroupe 63 Etats et gouvernements sur tous les continents, soit près de 710 millions d’individus qui, à des degrés divers, sont tous en contact avec une culture en lien avec le français. C’est aussi la carte des 29 pays qui ont le français comme langue officielle. C’est aussi une carte ou les régimes politiques sont plus ou moins démocratiques et les niveaux de vie sont caractérisés par des écarts très marqués.

Aujourd’hui, la Francophonie atteint sa maturité. Fondée pour promouvoir des échanges culturels entre différents peuples, elle est devenue une organisation multilatérale dont le but est de favoriser la diversité culturelle, l’éducation et le développement. Elle a donc opéré une profonde mutation : d’une organisation fondée sur la seule défense des cultures, elle a désormais pour ambition de favoriser l’aide et les échanges politiques et scientifiques ; d’une organisation culturelle, elle est devenue un acteur politique de premier plan sur la scène mondiale. C’est ce cheminement et ces évolutions que retracent les auteurs de cet Atlas.

La première partie de l’ouvrage revient sur les origines de la Francophonie. Si la création effective de l’OIF date de 1970, l’idée de faire se rencontrer tous les peuples parlant français remonte à la fin du XIXe siècle ; c’est en 1880 que le terme francophonie apparaît sous la plume du géographe Onésime Reclus (le frère d’Elisée). Ce n’est qu’après les mouvements de décolonisation que la Francophonie est portée sur les fonts baptismaux par ses cinq pères fondateurs, issus des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est : Léopold Sédar Senghor, Hamani Diori, Habig Bourguiba, Charles Hélou et Norodom Sihanouk. Son mode de fonctionnement s’organise : à partir de 1986 (Sommet de Versailles), le principe d’un sommet bisannuel est acquis. L’Organisation se dote aussi d’un Secrétaire général (aujourd’hui, l’ancien président sénégalais Abdou Diouf).

La deuxième partie de l’Atlas revient sur la diversité des pays qui appartiennent à la Communauté francophone. Si le français est bien une langue d’échange, il ne doit pas occulter l’extraordinaire diversité linguistique de cette communauté. Dans cette perspective, l’apprentissage du français reste le principal domaine d’action de la Francophonie. La question linguistique soulève de nombreux aspects, comme la place des médias francophones dans le monde, la production littéraire et, plus largement, les enjeux de la culture francophone dans un monde pris dans des processus de mondialisation et d’uniformisation.

Signe de maturité, les missions de l’OIF ont évolué ; ses préoccupations culturelles se sont doublées d’ambitieuses politiques en faveur du développement. Plusieurs domaines sont concernés comme les sciences et l’éducation, la santé, l’approvisionnement en eau ou la promotion des droits de l’homme. Ces formes de coopération reposent sur un ensemble d’opérateurs institutionnels comme l’Agence Universitaire de la Francophonie ou l’Université Senghor en matière scientifique, ou TV5 pour les médias. Bien plus, ces politiques reposent sur des formes politiques originales, comme la coopération décentralisée qui consiste en des échanges directs entre des collectivités locales ou territoriales, sans passer par le niveau central.

Les qualités habituelles de la collection Atlas Monde des éditions Autrement se retrouvent ici : des informations précises et riches, servies par une cartographie claire et soignée (effectuée par Fabrice Le Goff) qui participe pleinement à la réussite de l’ouvrage. Cet ouvrage présente aussi des annexes intéressantes, parmi lesquelles les biographies des pères fondateurs de la Francophonie, la liste des membres actuels du Haut-Conseil de la Francophonie qui entoure le Secrétaire général de l’OIF, ainsi qu’un lexique de savoureuses expressions venus de différents pays francophones. On y apprend notamment que gommer sa chemise signifie à la Réunion tacher sa chemise ; que la douance est au Québec la qualité d’une personne douée, ou que le tapis-plain désigne en Belgique la moquette...

Compte rendu : Yann Calbérac

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